. Note archéologique sur Dellys

Note archéologique sur Dellys

Dellys, ville encore inconnue ou méconnue mériterait l'attention des archéologues afin de sauver le peu de souvenirs historiques que l'on y trouve.

Dellys a fait partie intégrante de l'histoire ancienne, médéivale et moderne de l'Algérie comme en témoignent les sources grecques et latines, (1) les écrivains itinérants arabes du Moyen Age (2), ou encore un écrit du philologue italien du XVIII siècle Joan Baptista MONTALBANO (3) :

" Tedelles, veteribus Addyma, XXX mil(les) a Metropoli, portum habens non incommodum, et incolas opulentos, ob fontium bonitatem, ad linum lanasque tingendas.

Ces lignes traduites du latin signifient :

" Tedelles, Addyma pour les Anciens, située à 30 milles de la métropole, possède un port qui n'est pas sans commodités et des habitants riches grâces à la bonne qualité des sources pour la teinture du lin et de la laine ".

Lorsqu'on étudie les textes des auteurs anciens et du Moyen Age, on s'aperçoit que Dellys est presque toujours présente. Ceci pour souligner qu'il ne faut pas oublier cette ville, d'autant plus que, du point de vue archéologique, on rencontre des vestiges découverts soit lors des travaux agricoles, soit lors des fouilles de constructions.

Même les plus simples tessons de poterie ou d'autres objets sont précieux, car ils peuvent fournir des renseignements intéressants. En fait leur cachet particulier indique le pays d'origine. Et pour faire l'histoire d'un ville, tout indice, même le moindre, est important.

A Dellys les témoignages, qui ne sont pas imposants, mais qui sont significatifs, ne s'arrêtent pas à l'époque punique et romaine ; ils concernent aussi le période berbère et turque.

De l'époque punique Stephan Gsell cite aux fosses funéraires, des stèles funéraires, des sarcophages en pierre (4), auxquels il faut ajouter des crânes cloués découverts plus tard toujours à l'emplacement du champ de manoeuvres.

Nombreux sont les souvenirs romains que le hasard contribue à mettre en lumière :

  1. En 1968 une forte tempête a dégagé à la plage Faure des restes des thermes dont je continue à trouver des mosaïques et des tuyaux de voute. Toutefois les enfants du lieu font allègrement oevre de destruction du mur. Derrière celui-ci il semble exister sous terre une conduite d'eau provenant de la montagne.

    De récentes constructions avoisinantes risquent de clôturer toute cette zone qui (quand on se mettra à fouiller sérieusement) pourrait mettre en lumière quelque chose d'important.

    A 50 m. dans la mer il y aurait un puits ; il faudrait l'aide d'un plongeur pour en vérifier l'éxistence.

  2. Après le cimetière situé sur la pointe Sidi Abdelkader à la sortie du tunnel coté O. au dessus de la mer, il existe une carrière de pierre taillée de l'époque punique ou romaine (c'est à établir). Des morceaux de colonne, de parallélépipèdes et cubes de pierre taillée gisent dans l'eau au pied de cette carrière en si grand nombre que cecu fait penser à une production destinée aussi à l'éxportation.

    Quelques mètres derrière la dite carrière on trouve nonchalamment éparpillées deux grosses meules d'un diamètre de 1m 10 et d'une épaisseur de 30 cm, et dont l'une est à moitié ensevelie dans la terre.

  3. Sur la nouvelle route construite l'an dernier et qui mène à travers Les Jardins vers la plage, non loin du phare Bengut, j'ai trouvé des morceaux anciens de verre et de poterie dont il reste à établir l'époque, tandis qu'ils se trouvent déposés à la Mairie : une pierre tombale, une petite meule à blé toutes deux cassées par les excavatrices.

  4. Aux Calanquettes, au bord de la mer, il y a un four mi-rond dont la terre est encore noire de fumée.

  5. Dans la cour d'une maison privée gisent éparpillés :
    • une base de colonne en marbre rose,
    • un morceau de colonne octagonale en pierre,
    • un chapiteau en pierre.

    A la sortie de la ville vers Tigzirt, près d'un garage un petit mur se termine par la base d'une colonne octagonale en pierre.

  6. Dans un jardin privé il existe un tumulus où l'on peut entrer par une grande niche qui servirait probablement pour les mets des morts et par une petite niche de 25 cm. de largeur et 40 cm. de hauteur pour la lampe votive (en effet il y a encore la marque de la fumée). Les deux niches sont séparées par un parallelepipède en pierre d'une longueur de 1 m 30 environ.

    Les gens racontent que pendant la guerre d'indépendance les combattants Algériens se servaient d'un tunnel qui se trouvait au dessous du tombeau pour rejoindre la mer. Il serait intéressant aussi de point de vue historique de vérifier ceci et il faudrait creuser.

  7. En 1968 au Lycée Technique, en faisant des travaux de restauration on a trouvé un gros mur romain en grand appareil, large de 1 m. longeant la construction. Il a été détruit pour les besoins des travaux.

    Il est probablement la suite de mur cité par Stephane Gsell dans son "Atlas archéologique " feuille 6, p. 2 paragr. 5.

    Au dessous du grillage du lycée il se trouvait un carrefour de trois tunnels :

    • un ménant vers le cimetière,
    • l'autre vers Sidi Soussen (sur la montagne),
    • l'autre vers la ville.

    Mais pourquoi des tunnels? Ne seraient-ils pas de grandes conduites d'eau dont l'une arrivait aux thermes découverts sous le lycée? En effet en 1959 on a trouvé trois magnifiques mosaïques desdits thermes qui gisaient à quelques mètres sous la cour de cet établissement (5).

    La dimension de ces tunnels serait telle que l'on pourrait y marcher presque debout. Au côté droit de ce carrefour il y aurait de grandes portes murées qui n'ont pas été ouvertes. Il faudrait vérifier si cette information est exacte auprès des architectes: M. Christofle et M. Chauzy; du géomètre: M. Stawski; du mosaïste M. Kasdi Kaci et des ouvriers du chantier qui en 1959 ont éxécuté les travaux des fouilles.

  8. A côté de lycée, à l'école ménagère on est en train actuellement de bâtir de nouvelles classes.

    De nombreuses fosses carrées ont été creusées pour les fondations, dont quelques-unes ont une profondeur d'environ 3 m. Une d'elles présentait au fond un pilier en pierre taillée posé sur un autre en position horizontale. A 1 m 20 au dessous de la terre il y a une couche de 30 cm. d'épaisseur formée de débris de poterie tassés.

    En face, mais dans l'angle opposé se trouvent deux piliers semblables. Dans la terre sont parsemés de petits cubes de mosaïque. Au fond de cette fosse la terre est brulée, on trouve même des morceaux de bois brulé.

    D'une autre fosse j'ai fait extraire une pierre taillée en forme de colonne ronde d'une hauteur de 30 cm. et d'un diamètre de 50 cm. trouvée à 90 cm. sous le sol et cimentée avec du ciment jaune.

    D'une autre fosse encore j'ai fait extraire une sorte de niche cassée et taillée dans la pierre.

    La découverte est important mais les travaux de construction se poursuivent à toute allure et déjà les fosses sont remplies de ciment.

    Puisque il est desormais impossible de fouiller dans le sous-sol des nouvelles classes, il serait peut-être intéressant de creuser à côté de ces fosses, là où il y a toujous un tassement de terre qui sera transformé à la fin des travaux en un mur de soutènement.

  9. Deux inscriptions latines, prisonnières dans un cercle militaire ont été rendues illisibles par une main espiègle qui, au moment de l'indépendance a voulu leur donner un visage nouveau en les éclaboussant de peinture.

  10. A 30 m. de l'abattoir en allant vers le tunnel, la paroi montagneuse qui a subi des affaissements de terrain, présente à la surface une quantité de débris de poteries de toute époque : du IIe siècle avant J. C. jusqu'aujourd'hui.

    C'est un mélange de débris de poterie fine de type campanien, et de type berbère peint avec des motifs traditionnels, ou des scories brulées. Je la nomme " colline des poteries " afin de la réperer plus facilement.

  11. Le projet de la nouvelle route Alger-Dellys est en voie d'exécution ; il est important de suivre de près les travaux de fondation de cette route car la voie romaine devait passer dans ces environs comme il ressort de la carte qui se trouve à la fin de la thèse doctorat de Salama " Les voies romaines de l'Afrique du Nord " (1951).

  12. A 6 km. à E. de Dellys, après les Salines, près des rochers, je viens de découvrir entre les murs romains qui vont bientôt s'écrouler (s'ils ne sont pas soutenus) une sorte de bassins en coupe. Le tout forme un carré de 5 m. sur 5 m. Je ne sais pas de quoi il pourrait s'agir, puisque la surface se trouve à 1 m. sous la terre. Il faut creuser.

  • Pour les périodes postérieures : les guerres de corsaires ont laissé des souvenirs aux pieds de l'hôtel Beau Rivage; aplati contre un petit mur, un canon en fer dort depuis le Moyen Age. Un autre canon plus petit se cache dans l'herbe derrière le même mur. Mais d'autres canons semblables ont eu bien mauvais sort, car ils ont été plantés en position verticale dans le môle de Dellys pour retenir les barques de pêche à la terre ferme (6).

  • De la période turque on trouve en face du lycée, dans un enclos reservé à deux tombeaux : deux rudimentaires colonnes, dont l'une cannelée avec deux chapiteaux très abîmés ont un aspect plaintif. L'ensemble est du XVII siècle et appartenait à une ancienne mosquée : Sidi Zaied, détruite pour construire un dispensaire.

  • Dans deux ruelles du quartier médéival de la ville sont abandonnés en guise de siège pour les petits vieux, deux chapiteux rudimentaires de l'époque turque, sans ornements.

    Les deux colonnes qui probablement les supportaient se trouvent dans un jardin privé.

    A signaler : aux coins des maison de ce quartier typique sont accrochés de tels jolis becs à gaz en fer forgé, qui sont à conserver et à remettre en valeur.

  • Non loin du tribunal se trouve une charmante maison en style arabe qui était autrefois le siège du syndicat d'initiative. A présent elle est déchue de son rôle, car elle a été transformée en vulgaire bistrot.

Le pire c'est que le local contient trois mosaïques romaines appliquées aux mois et dont les dessins sont peu à peu remplacés par la chaux. Je signale que Dellys, à la différence d'autres villes algériennes, n'a pas son musée.

En concluant, je voudrais mettre en évidence combien Dellys, encore inconnue et oubliée du point de vue archéologique, est digne de tout interêt de la part des autorités compétentes et lorsque l'on se penchera sur elle on ne sera pas déçu, car cette ville est une mine préciesuse en ce domaine, mais qui reste à découvrir.

A. MASCARELLO




01/12/2007
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